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Des critiques et des films

Le Nouvel Hollywood : le cinéma américain des années 70

24 Février 2015 , Rédigé par Rémi Mazenod Publié dans #Article

De gauche à droite : Steven Spielberg, Martin Scorsese, Brian de Palma, George Lucas et Francis Ford Coppola

De gauche à droite : Steven Spielberg, Martin Scorsese, Brian de Palma, George Lucas et Francis Ford Coppola

Il fut un temps où les auteurs étaient au sommet du box-office mondial, un temps où les producteurs leurs allouaient les budgets les plus élevés jamais vus pour ce type de projets, un temps où Hollywood ne faisait pas de divertissement mais des films à portée sociale... Oui, ça ressemble à de la Science-Fiction et pourtant, ce temps a bien existé. Mais reprenons depuis le début.

Le début, c'est celui d'Hollywood dans les années 1910, où d'entrée, les bases du système vont être mises en place et perdurer pendant une bonne cinquantaine d'années : le cinéma est une industrie comme une autre et se doit d'être rentable et de maximiser ses profits, or la demande va en direction du divertissement, ce qui a pour conséquence d'une part que le cinéma va sacrément galérer à être reconnu comme un art à part entière et surtout que les réalisateurs ne sont que des techniciens comme les autres qui répondent à une commande des producteurs. Ce qu'on appelle encore aujourd'hui "l'Age d'Or d'Hollywood" (en gros des années 30 jusqu'à la fin des années 50) était le grand règne des producteurs sur la fabrication des films, au point que la paternité de ces mêmes films leur revenait de droit (habitude encore en vogue, regardez les cérémonies des Oscars et vous verrez toujours les producteurs aller chercher les statuettes du meilleurs film). Mais plus le temps filait, plus les budgets augmentaient, et moins les recettes étaient importantes.

Ce qui nous amène au premier point de rupture.1963 : sortie de Cléopâtre, de Joseph L. Mankiewicz avec Richard Burton et Elizabeth Taylor, c'est le film de tous les excès que ce soit au niveau de la durée (4h03) que du budget (44M de dollars !!! En 1963 !!!). Sauf que le public ne suit pas et il ne rapporte que 57M de dollars : on a certes un bénéfice de 13M de dollars mais on est loin des sommes engrangées par les plus grands succès de l'Age d'Or d'Hollywood (Autant en Emporte le Vent avait coûté 3,85M de dollars et en avait rapporté 390 !!). Dès lors, la baisse des bénéfices n'en finit plus, et les producteurs, toujours les mêmes en place depuis presque 40 ans, ne suivent plus les attentes du public. Et on se rapproche tout doucement de 1968...

1968 a clairement changé la donne, et ce de manière très profonde. Les producteurs, totalement dépassés par ce qui se passe, décide de déléguer leur travail à des personnes plus jeunes qui sauront trouver de jeunes réalisateurs capables de parler à ce nouveau public qui, ne l'oublions pas, peut rapporter de l'argent. Ce qui a pour principal conséquence en terme de réalisation que les réalisateurs du "Nouvel Hollywood" sont très jeunes, sortent souvent à peine des écoles de cinéma et sont très inspirés par ce qui se passe en France avec la Nouvelle Vague (Truffaut, Godard, Chabrol, etc..) Easy Rider, de Dennis Hopper, est le premier à lancer le mouvement et à montrer à la production que c'est en faisant des films peu chers mais très personnels que l'on va attirer le public dans les salles. Avec seulement 360 000 dollars de budget, il va rapporter 60 millions de dollars de recette ! Cependant, Easy Rider portait déjà les germes de la future descente aux enfers du Nouvel Hollywood mais on y reviendra plus tard.

Ainsi, de jeunes et talentueux réalisateurs sortent de l'ombre et prennent le pouvoir : je parle de Dennis Hopper, donc, mais aussi de Francis Ford Coppola, déjà une légende dans le milieu avant de réaliser Le Parrain en 1972, je parle de Martin Scorsese (Mean Streets, Taxi Driver), de Peter Bogdanovitch (La Dernière Séance), de Mike Nichols (Le Lauréat), de Warren Beaty (Bonnie and Clyde) etc... Dès lors, le cinéma fonctionne en diapason avec la société, la liberté d'expression et de mœurs sont primordiales pour que les spectateurs puissent s'identifier aux personnages. Les films de cette périodes s'intéressent beaucoup à des marginaux (Easy Rider, Taxi Driver et Macadam Cowboy par exemple), sont anti-guerre (MASH, Voyage au Bout de l'Enfer) et très politisés (Les Hommes du Président). Il y a aussi une véritable volonté d'aller à l'encontre des valeurs et des idées de l'Amérique bien pensante, celle des adultes un peu trop à cheval sur les mœurs (Le Lauréat et Bonnie and Clyde ont fait beaucoup de bruit à leur sortie). Les grosses productions veulent aussi avoir un auteur à leur barre, Le Parrain en est en exemple flagrant, quoique de nombreux incidents ont émaillé le tournage (Coppola a eu pas mal de bâtons dans les roues mais à fini par imposer sa vision) mais le succès fut tel qu'il reçut carte blanche totale pour réaliser la suite en 1974. Et quand on voit le résultat, on se dit que c'est un comble que les auteurs ne reçoivent pas les mêmes budgets et libertés de nos jours. Bref tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes au vu des résultats enregistrés au box office cependant cela n'allait pas durer...

En effet, en parallèle de cette génération ayant grandi en regardant les films de la Nouvelle Vague a aussi évolué une autre plus influencée par l'explosion de la télévision aux Etats Unis durant les années 60. Et c'est cette génération, portée par ses deux plus grands représentants, Steven Spielberg et George Lucas, qui va sonner le glas pour le Nouvel Hollywood. Tout d'abord, Spielberg : il reçoit sa formation au sein de chaines de télévisions et ses premiers films sont en réalité des téléfilms (Duel est sorti à la TV aux Etats Unis en 1971 mais au cinéma en Europe en 1972). Il se lance dans le cinéma, le vrai, en 1975 avec Les Dents de la Mer, véritable phénomène de société qui relance l'industrie du cinéma de divertissement et il est désormais qualifié de premier blockbuster de l'Histoire du cinéma en raison de sa campagne publicitaire de masse. Le Nouvel Hollywood prend déjà un sacré coup dans la mesure où les producteurs commencent à se rediriger vers un schéma de production plus traditionnel mais ça n'est que le début.

George Lucas est à bien des égards un réalisateur du Nouvel Hollywood mais aussi celui qui en a été désabusé et qui a fini par y mettre fin. Sa collaboration avec Francis Ford Coppola au début des années 70 est connue, c'est ce dernier qui a produit son premier long métrage, THX 1138, film de Science Fiction expérimental qui fait un flop au box office (il faut aussi dire que le film est loin d'être génial...) En 1975, il s'essaye à la comédie pour ado avec American Graffiti qui pour le coup fonctionne plutôt bien. Mais c'est aussi à cette époque qu'il se brouille avec Coppola et décide de faire un film pour enfant qui fonctionne sur le même modèle de Disney : pas très rentable en salle mais poule aux oeufs d'or en terme de produits dérivés. Et ce film, c'est Star Wars... Les producteurs ne croyant pas vraiment au projet avec son scénario improbable, Lucas a l'intelligence de négocier les contrats sur les produits dérivés en sa faveur et l'avenir nous a montré qu'il a eu bien raison. C'est simple, après Star Wars, le Nouvel Hollywood était déjà presque enterré, les producteurs ont retourné leur veste et ont tous voulu faire leur propre Star Wars. Seul United Artists a continué d'essayer de faire des film d'auteurs à gros budget mais le flop monumental des Portes du Paradis de Michael Cimino a définitivement mis fin à cette époque. L'arrivée de Ronald Reagan au pouvoir n'a pas aidé, désormais le cinéma ne visait que deux choses : divertir et stimuler le sentiment patriotique.

Il ne faut pas croire non plus que Lucas et Spielberg sont les seuls responsables de la fin de cette époque. D'une part, la drogue. Les cinéastes du Nouvel Hollywood étaient tous des drogués notoires, à commencé par Dennis Hopper qui se baladait une arme à la main sur le plateau d'Easy Rider et qui n'arrivait pas à retenir son texte sur celui d'Apocalypse Now. Martin Scorsese aurait même frôlé la mort entre New York, New York et Ragging Bull si Robert de Niro n'était pas venu le remettre sur un projet. L'ambiance sur les plateaux de tournage était donc loin d'être délectable... D'autre part, ces réalisateurs avaient un égo démesuré. Sans doute influencés par les idées de la Nouvelle Vague selon lesquelles le réalisateur est le seul auteur d'un film, au dessus du scénariste et du monteur, Leur comportement était proche de celui d'un dictateur voir d'un Dieu s'ils étaient assez drogués. Le paroxysme est atteint en 1978 sur le plateau d'Apocalypse Now, où le tournage aux Philippines en pleine saison des moussons (...) fait perdre la raison à Francis Ford Coppola qui finit par menacer de mort ses techniciens et qui eut envie de se suicider à plusieurs reprises (au vu du résultat, on se dit que ça valait le coup) (J'en profite pour vous conseiller Heart of Darkness : A Filmmaker's Apocalypse, le making of du film réalisé par la femme de Coppola elle-même, croyez moi, ça vaut le détour. ) Enfin, il faut bien dire que ce sont de jeunes gens qui ont clairement accédé au succès beaucoup trop vite au point de se bruler les ailes pour certains. Ils ont tous, sans exception, connu une vie privée très mouvementée, entre la drogue et leur incapacité à rester fidèle à leur compagne.

Il me faut maintenant conclure et je ne vois qu'une chose à dire : le spectateur est roi. Car si ce mouvement a existé, c'est bien parce que l'époque le permettait et que les spectateurs étaient à la recherche de ce genre de film. Finalement la fin du Nouvel Hollywood correspond bien au retour à la réalité des générations ayant participé au Flower Power et à Woodstock. Tout ça pour dire que si on veut qu'il y ait de nouveaux autant de films pertinent aussi bien au niveau des idées que de la mise en scène, il faut une demande assez importante pour les producteurs les écoutent. A bon entendeur.

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